Futur Proche - Chapitre 1

Je dédie cette histoire à ses protagonistes, ainsi qu'à leur part de réalité.

Au cours de mes journées banales de service, seul un petit évènement intempestif était venu donner un peu de piment à mon ennui. Il s’était produit dans un magasin de la Vieille Ville où je ramenais un gamin d’une dizaine d’années d’origine maghrébine s’excuser du vol d’un paquet de biscuits…

Le «je» en question, c’était moi : Sofian Bourad, vingt ans, orphelin, «inspecteur à la brigade anti-criminalité de la Central Agency pour l’ambassade américaine en France», et arabe de mon état. Mais avec un uniforme et un flingue, n’importe quel arabe peut très bien se faire passer pour un français ou un américain.
Le «petit évènement intempestif» proprement dit, fut la phrase prononcée par le marchand (vieil aryen, vide de toute lueur d’intelligence) au moment où j’entrais dans le magasin avec le petit beur et ses petits beurres. Je cite : «F'chier, les bougnoules, là... J'te stériliserais tout ça moi ce serait vite vu ! »

Tout se passa alors au ralenti. Mon corps s’enclencha comme une horloge et je vis nettement ma main plonger dans mon veston, sortir mon MS 130 édition limitée de son baudrier, mon autre main faire coulisser la partie supérieure vers l’arrière, mon bras se tendre et mon doigt appuyer sur la gâchette. Ensuite je vis le genou du vendeur en miettes et la bouche du jeune rebeu grande ouverte…
_ Ferme la bouche tu fais courant d’air ! Prends ton paquet de biscuits et tire-toi !

 

 

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La suite se passe dans le bureau de ma commissaire de secteur, Clémence, une jolie petite blonde troisième dan de judo qui m’égale au tir et que j’aurais pu considérer comme ma petite sœur si ça n’avait été ma supérieure hiérarchique.

_Je suppose que vous savez pourquoi je vous ai fait venir dans mon bureau, Bourad !! (On aurait dit qu’elle prononçait les points d’exclamation) Café ?
_Non merci. Je suppose que ce n’est pas pour m’inviter au ciné.
_Vous supposez bien, ce n’est pas parce qu’on vous a récupéré il y a vingt ans, et que vous avez grandi chez nous que vous pouvez vous permettre de jouer au cow-boy, quand est-ce que vous le comprendrez ? On appelle ça une bavure, Bourad !

J’ai effectivement été recueilli à l’âge de cinq mois, éduqué puis formé pour et par la CIA, l'ancêtre de la Cent. Parcours particulier, me direz-vous ? Parcours de merde, ouais. Bref, la Cent éduque pas des enfants par charité et quand j'ai été en âge de bosser, j'ai eu droit à un beau contrat pas vraiment discutable.

_Je sais, j’ai raté la tête, désolé, j’étais pas en forme.
_Arrêtez, vous allez me casser une côte, Bourad, je suis morte de rire.
_Sachez, mademoiselle, que Bourad a un prénom, un amour-propre et va aller se balader histoire de voir si l'ambiance est plus détendue ailleurs.

 

J'ai laissé le reste de l'engueulade dans le bureau avec ma boss et la paperasse, et suis simplement parti, comme d'habitude...

 


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Clémence maîtrisait bien l’art de m’agacer en m’appelant par mon nom. C’est donc d’un pas plutôt électrique que je me dirigeais vers chez moi lorsque dans la rue Franquin, je suis tombé sur trois mecs en train de faire les poches à un clochard. Curieux par nature, je décide alors de m'approcher d'un pas nonchalant, quand l'un d'eux décide courtoisement d'entamer la conversation.

_Casses-toi, connard. C’est mal fréquenté par ici ! (Quelle gentillesse de prendre soin de moi !)
_Excuse-moi, fils de pute, t’aurais pas du feu s’te plait ?
_Tu viens de dire quoi ?
_Je viens de te demander du feu !
_Nan, juste avant !
_C’est le «fils de pute » que t’as mal pris, espèce de merde ?

C’est drôle comme l’être humain peut changer de couleur devant un trou de treize millimètres ! Apres lui avoir taxé son feu, et lui avoir dit de rejoindre ses deux copains qui entre temps s’étaient découverts des talents de sprinters, je suis enfin rentré chez moi.



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Je n’ai jamais autant détesté le téléphone que le dimanche matin, c’est la raison pour laquelle, quand il me réveilla ce dimanche là, je lui criai : «J'SAVAIS PAS QU'LA GRASSE MATINEE ETAIT ILLEGALE ! ! !» avant de raccrocher comme on coupe du bois à la hache.
Et comme je décroche quand-même plus calmement la deuxième fois, le téléphone finit par me demander :

_T’as fini ta crise, merdeux ?

Dès le premier instant, je n’ai pas supporté l’accent espagnol (ou italien, putain c'est quoi cet accent) que prit mon téléphone ce matin là !

_Plaît-il ? C’est à quel sujet ?
_Stéphane Torrent, ça te dit quelque chose ? (Autant demander à Laurel s’il connaissait Hardi !)
_Jamais entendu parler, à qui ai-je l’honneur ?
_A un type qu’il vaudrait mieux pas que tu croise, crois-moi ! Peut-être que cette voix te dira quelque chose…

Coup de feu, hurlement, bruit de claque…

Silence…

_C’est quoi l’embrouille ?
_Y’a pas d’embrouille, gamin, y’a que son épaule gauche en vrac. On veut les documents.
_Quels docu…


Cet enculé qui avait osé m’appeler merdeux et gamin avait déjà raccroché ! Je me retrouvais encore dans une sacrée Merde (le genre de Merde qui mérite une majuscule) !