Futur Proche - Chapitre 8 (Final)

"La fin justifie les moyens" (proverbe français)

Rien qu'en voyant la villa, j’ai su qu’il y aurait un gardien, et dans le genre musclé. Quoi qu'on en dise, notre imagination n'en fait qu'à sa tête et bien que je connaisse le statut de Bouzalfa, je n'avais jamais imaginé Emma vivant dans ce genre de contexte. Je fis donc le tour et passai à travers une allée de cyprès. C’est à ce moment-là que je le vis et qu’il sortit son automatique… trop lentement. Je réussis ensuite à le traîner tant bien que mal jusqu’au portail, puis laissa un mot pour le propriétaire au poska sur son large front : « je t’attends dans ton bureau ». Puis je décidai, afin de profiter à fond de ces instants de vie qui pouvaient bien être mes derniers, d'aller m’installer confortablement dans un fauteuil recouvert d'un cuir sans doute issu d'un animal exotique, Bouzalfa n'étant pas du genre à s'asseoir sur de la peau de vache. À vu de nez, ce fauteuil devait valoir 3 ou 4 fois le prix de l'ensemble des meubles et objets de mon appartement qui pouvaient servir à s'asseoir, si j'y ajoutais mon frigo et ma cuisinière.
Je n’eus pas à attendre longtemps. Moins d’une dizaine de minutes plus tard, sa fausse gueule d’espadon énervé apparu dans l’embrasure de la porte. Et donc dans ma ligne de mire. Je démarrai alors ce que certains appellent une conversation, mais qui vu la tension du moment pouvait facilement s'apparenter à une guerre. Mondiale, au minimum.
_Alors surpris ?
_A moitié seulement. Si tu m’avais pas dit que tu me connaissais le jour de ce combat... là j’aurais pu être surpris.
_On tue pas aussi facilement mes potes.
Commençais-je à expliquer avec l'assurance de celui qui est du bon côté du revolver. Assurance qui s'effrita légèrement quand il répondit avec un signe de tête.
_Les miens non plus.

Trois types me tenaient en joue du jardin. Ça m’apprendra à faire le malin en laissant des mots partout.
Nous nous tenions là, figés, moi braquant Bouzalfa et ses hommes me braquant. Le souvenir que j'ai de cette scène a la force de ceux qui se figent dans un cerveau à grands coups d'adrénaline.
Je me lève d’un bond et dans le même mouvement, je balance le fauteuil de manière à ce qu’il me protège des trois gars, heureusement, la pièce n'a qu'une fenêtre. Le temps de loger une balle dans chacune des trois têtes et Bouzalfa me fracasse la main d’un coup de pied et me cale le canon de son flingue dans le globe oculaire droit, non sans forcer un poil.
_Ici t’es dans la cour des grands, Bourad !
_Ca te fais bander d’être supérieur aux autres, hein, la bouse ! Vas-y, crèves-moi et demain t’es une star du Net. C’est l’ère de la modernisation mon vieux.
_Que j’te fume ou pas, j’finirai par aller au trou, petit, je crois que j’vais commencer par te faire avaler tes dents à coups de cross…

Je me demandais bien d’où avait pu venir cette détonation. Etait-ce vraiment une détonation ? Je ne ressentais aucune douleur. Et pourquoi le méchant monsieur s'était arrêté au milieu d'un mot ? D'ailleurs, il faisait une drôle de tête, le Bouzalfa. Il avait l'air surpris...
Puis Emma s’était approchée du corps qui venait de s'affaler et avait vidé son chargeur sur la tête de ce bon vieil Abdel. Elle avait osé, finalement. Elle avait volé un flingue à Jay-Jay, s’était échappée, et avait vengé son père.
J'étais content d'avoir eu tort.

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Ainsi se terminent les histoires de famille. Les uns par terre, la tête en petits morceaux. Les autres avec un flingue à la main et le sentiment d’avoir accompli un devoir. Moi, j'étais fatigué un peu... et je commençais à me dire qu'une bonne nuit de 48 heures serait appréciée à coups sur par la totalité de mes membres. Le fauteuil avait pris des balles, dommage, j'aurais été bien, là-dedans, dans mon salon.

 

FIN